
Le 6 décembre 1900, devant un auditoire composé d’une centaine de citoyens de la ville de Lévis, Alphonse Desjardins expose son projet de société coopérative d’épargne et de crédit qu’il élabore depuis trois ans. Motivé par une volonté de démocratiser l’accès aux services financiers et de limiter les « ravages de l’usure », Desjardins s’inspire d’expériences européennes pour concevoir un système coopératif adapté à la réalité canadienne-française et nord-américaine. Ainsi naissait la Caisse populaire de Lévis, il y a 125 ans.
Au cours des décennies suivantes, les caisses populaires Desjardins se multiplient au Québec, mais aussi en Ontario et aux États-Unis, et Alphonse Desjardins s’impose comme le véritable expert à l’échelle nord-américaine. Cette expansion s’explique à la fois par la capacité du modèle coopératif à s’enraciner dans des communautés variées, et par le dévouement de nombreux hommes et femmes qui ont porté les caisses à bout de bras.
Si la mort d’Alphonse Desjardins annonce des années plus difficiles, des efforts pour structurer une première fédération en 1932 et un regain de popularité du modèle coopératif au sortir de la Grande Dépression provoquent une rapide expansion du Mouvement des caisses Desjardins marquée par la fondation de centaines de caisses populaires et des premières sociétés d’assurances.
Dans la deuxième moitié du 20e siècle, en réponse aux besoins d’une société québécoise en pleine transformation, le Mouvement Desjardins entre dans une phase de modernisation rapide et de transformation structurelle annonçant la création d’un groupe financier coopératif possédant une « unité de pensée et d’action ». Au cours des décennies qui suivent, la croissance et la complexification des services suscitent de nombreux débats sur l’identité coopérative. Tout au long de ces débats, la vision et les écrits du fondateur continuent d’alimenter ces réflexions.
Cette histoire et le patrimoine qui en témoigne, le Mouvement Desjardins s’est fait un point d’honneur de les préserver et de les mettre en valeur. Un premier archiviste a été embauché dès les années 1950. Une collection de meubles et d’objets ayant appartenu au fondateur est présentée au public dans un espace muséal artisanal au cours des années suivantes. Cyrille Vaillancourt, alors directeur général de la Fédération provinciale, s’allie à Albert Faucher, professeur d’économie à l’Université Laval, pour produire un ouvrage regroupant des textes du fondateur, marquant ainsi une première initiative structurée de valorisation de l’héritage d’Alphonse Desjardins comme innovateur et bâtisseur de la coopération d’épargne et de crédit en Amérique.
Fondée en 1979, la Société historique Alphonse-Desjardins s’inscrit dans cette volonté. Elle est créée pour entreprendre la restauration de la maison d’Alphonse et Dorimène Desjardins et la transformer en centre d’interprétation. Puis, inspiré par la méthodologie de la Public History apparue aux États-Unis et au Canada durant les années 1970, un premier historien d’entreprise est embauché par la Société en 1985. Ses recherches soutenues par la Société historique Alphonse-Desjardins permettent de professionnaliser la mémoire organisationnelle, comme en témoignent dans ce numéro deux anciens présidents du Mouvement.
Ce numéro ne retrace pas l’évolution chronologique des 125 premières années du Mouvement Desjardins, mais propose plutôt des perspectives inédites sur des aspects méconnus de son histoire, de sa préservation et de sa valorisation. Les lecteurs souhaitant approfondir le sujet peuvent aussi consulter les trois tomes de l’Histoire du Mouvement Desjardins de Pierre Poulin, bientôt complétés par un quatrième tome signé Pierre-Olivier Maheux (à paraître fin 2025), ainsi que les biographies d’Alphonse et Dorimène Desjardins rédigées par Guy Bélanger.
Nous remercions chaleureusement tous ceux et celles qui ont contribué à ce numéro. En cette année qui marque le 125e anniversaire du Mouvement Desjardins, leur travail constitue un apport significatif à la compréhension historique du Mouvement Desjardins.
Bonne lecture!
Christine Plante, directrice et David Camirand, historien à la direction Patrimoine historique et Identité d’entreprise (Société historique Alphonse-Desjardins.)